Affaire Matesa
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L’affaire Matesa est un scandale politico-financier qui éclata en 1969 en Espagne et fit vaciller le régime franquiste.
L’affaire avait pour origine l’obtention frauduleuse de crédits publics à l’exportation par l’entreprise Matesa, fabricant d’un type nouveau de métier à tisser, mais dont les exportations étaient en grande partie fictives. Le principal dirigeant de ladite entreprise, Juan Vilá Reyes, spécimen nouveau de chef d’entreprise complaisamment mis en avant par le régime, n’avait pas eu grand peine à obtenir ces crédits dans la mesure où le gouvernement franquiste, converti depuis une décennie à l’ouverture sur l’extérieur et à une plus grande prise en compte des mécanismes de marché, s'efforçait à tout prix de rétablir sa balance des paiements par un accroissement des exportations.
La fraude, qui engloutit jusqu’à un quart des fonds de la banque publique BCI, éclata au grand jour en et dépassa bientôt, par la publicité exceptionnelle faite à ce scandale, le cadre d’un délit strictement financier pour devenir l’occasion d’un règlement de comptes politique. En effet, dans la classe gouvernante couvait depuis au moins une lutte de tendances entre d’un côté les bleus (héritiers de la Phalange, en perte de vitesse), incarnés par les ministres Manuel Fraga et José Solís Ruiz, et de l’autre les technocrates (partisans du libéralisme, en ascension), représentés par les ministres « économiques », tous affiliés ou sympathisants de l’Opus Dei, et emmenés par le président de facto du Conseil des ministres, Carrero Blanco. La campagne de presse, qui supposait au moins l’assentiment tacite des ministres Fraga et Solís, ulcérés par l’abandon des principes phalangistes, dont en particulier l’autarcie nationale, apparaît comme un coup monté par le Mouvement en vue d’éclabousser l’Opus Dei.
Le gouvernement, pour désamorcer le scandale, ne put faire autrement que de traiter l’affaire non pas comme un simple délit financier relevant du code commercial, mais comme une affaire politique, ordonnant donc de mettre la Matesa sous tutelle de l’État et requérant les Cortes de mener une enquête sur les responsabilités administratives, sinon politiques, puis de rendre son jugement avant défèrement des hautes personnalités incriminées devant la Cour suprême ; d’autre part, Franco procéda en à un profond remaniement gouvernemental qui, paradoxalement, eut pour effet de renforcer la position des technocrates et de Carrero Blanco aux dépens des bleus, dont les ministres furent limogés ou rétrogradés.
Tandis que la procédure judiciaire suivait son cours (contre les ministres et hauts fonctionnaires concernés), Franco, soit pour mettre un terme définitif au scandale politique, soit cédant au chantage de Vilá Reyes (qui affirmait être en possession de documents compromettants pour le régime), prit en une mesure de grâce en faveur des sentenciés, y compris pour les jugements encore en suspens. Quant à Vilá Reyes, sur qui planait en 1975 la menace d’un verdict de plus de 200 ans d’emprisonnement prononcé par un tribunal ordinaire, il fut gracié par le roi Juan Carlos en .