Armée d'armistice
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L'Armée d'armistice, nommée également l'Armée de Vichy, est l'armée qui se trouve placée sous l'autorité du gouvernement de Vichy après l'armistice du 22 juin 1940[1] consécutif à la défaite de la France face à l'Allemagne au début de la Seconde Guerre mondiale. À la suite de l'armistice[2], la France n'est autorisée à conserver qu'une armée de « transition » de 100 000 à 120 000 hommes en métropole[3] et des forces plus nombreuses au sein de l'Empire français : plus de 220 000 hommes en Afrique — dont 140 000 en AFN[4], 65 000 en AOF[4], 16 000 en AEF et au Cameroun —, 14 000 à Madagascar[4] et Djibouti[4], 37 700 répartis dans les mandats de Syrie et du Liban[5] entre 63 000[4] et 90 000[6] en Indochine, une marine de guerre de 60 000 hommes[7] et une Armée de l'air de 80 000 hommes[8]. Symbole de la souveraineté française qui justifie aux yeux du régime de Vichy une collaboration de plus en plus poussée avec le vainqueur, l'Armée d'armistice est en partie le résultat de cette collaboration, tout en étant le moyen par lequel Vichy défend sa neutralité vis-à-vis des Alliés et des forces de l'Axe[9].
Forces armées françaises | |
Création | Juin 1940 |
---|---|
Dissolution | |
Pays | France et Empire colonial français |
Allégeance | État français |
Effectif | environ 600 000 |
Guerres | Seconde Guerre mondiale |
Batailles | Bataille de Mers el-Kébir Bombardements de Gibraltar Bataille de Dakar Bataille d'Indochine Campagne du Gabon Guerre franco-thaïlandaise Bataille de Koh Chang Campagne de Syrie Bataille de Madagascar Libération de La Réunion Opération Torch Opération Lila |
Commandant historique | |
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À partir de novembre 1942, à la suite du débarquement allié en Afrique du Nord, l'Armée d'armistice cesse d'exister : d'une part, les unités stationnées en Afrique basculent massivement du côté des Alliés et s'engagent dans l'Armée française de la Libération, et d'autre part, les unités restées en métropole sont dissoutes sur ordre d'Hitler le , procédure exécutée en décembre de la même année.
L'Armée française en 1939
Dans la période qui a suivi la Première Guerre mondiale, le militarisme qui avait pu être de rigueur en France pendant les années de guerre a laissé la place à une vague de pacifisme et d'antimilitarisme. Beaucoup d'officiers ont alors démissionné. Avec une situation internationale menaçante, on assiste à un regain d'intérêt pour l'Armée française qui se traduit notamment par un accroissement des candidatures aux grandes écoles militaires. Ce renouvellement relatif se traduit, par exemple, par le fait que près d'un quart des officiers sont sortis du rang alors que cette proportion n'était que de 4 % en 1913. Toutefois, selon Christian Bachelier, ce renouveau est limité, la plupart des cadres de l'Armée restant conforme au soldat-fonctionnaire, discipliné et prêt à l'abnégation, mais craignant les initiatives et les responsabilités[10].
À l'issue de la mobilisation, décrétée le , cinq millions d'hommes mobilisés sont disposés près du front ou à l'intérieur, encadrés par un corps de 80 000 officiers de réserve, 35 000 officiers d'active, dont 400 officiers généraux[10]. Cette armée va connaître les mois d'inactivité de la Drôle de guerre avant d'être submergée par l'Armée allemande au cours de la bataille de France, en mai et .
Situation de l'Armée française après la défaite
Entre le et le , l'Armée française a subi le plus grand désastre de son histoire : elle n'a pas pu empêcher l'invasion des deux tiers du territoire métropolitain par l'Armée allemande, son commandement est discrédité, et 1 500 000 sous-officiers et militaires du rang et quelque 29 000 officiers environ sont retenus prisonniers[11],[12]. Le bilan des morts finalement retenu en 1990 par le ministère de la défense après exploitation des archives des décès morts pour la France entre septembre 1939 et juin 1940 retient le chiffre d'une soixantaine de milliers de morts militaires[13]. À ce chiffre s'ajoutent les morts civils, environ 10 000. Le nombre des blessés est d'environ 200 000 blessés militaires.
Une centaine de milliers d'hommes se trouvent en Grande-Bretagne. Ce sont les membres du corps expéditionnaire de Narvik, les rescapés de Dunkerque et les équipages appartenant à la marine de guerre et à la marine marchande. La grande majorité choisiront d'être rapatriés en France. Seuls 882 marins dont 30 officiers et 1 300 volontaires de l'Armée de terre, ayant appartenu, pour la plupart, au corps expéditionnaire de Narvik, acceptent de se placer sous l'autorité de De Gaulle après l'appel lancé le 18 juin 1940 et d'intégrer les Forces françaises libres (FFL). 200 aviateurs ont également rejoint Londres. Le , la Première brigade de légion française qui représente l'unité terrestre des FFL n'inclura que 123 officiers[14].
Les clauses de l'armistice
Lorsque Philippe Pétain, appelé par le président de la République Albert Lebrun à remplacer Paul Reynaud comme président du Conseil, demande l'armistice le , il laisse la possibilité à Hitler de dissoudre purement et simplement l'Armée française[15]. Après la démission de Paul Reynaud, le nouveau gouvernement n'a formulé que deux préalables : d'une part, un État français doit être maintenu et d'autre part, la flotte de haute mer, invaincue, ne doit pas être livrée[16]. Le 21 juin 1940, lorsqu'ils arrivent épuisés à la clairière de Rethondes où les attend la voiture de chemin de fer qui avait servi à la signature de l'armistice de 1918, les officiers français conduits par le général Huntziger se voient remettre par Hitler un exemplaire du texte d'armistice dont ils sont invités à prendre connaissance[17].
Les conditions d'armistice apparaissent clémentes à la délégation française. En particulier, ils sont agréablement surpris d'apprendre que la Flotte pourrait rester aux mains de la France. Une dizaine parmi les 24 articles de la convention d'armistice concerne la neutralisation du potentiel militaire français[16] : les troupes sont désarmées, sauf celles nécessaires au maintien de l'ordre[16]. Selon l'article 4 de la convention franco-allemande d'armistice, les effectifs de la nouvelle armée en France métropolitaine sont limités à 100 000 hommes organisés en huit divisions militaires et quatre régiments de cavalerie (certaines formations sont exclues de ce nombre : la brigade des sapeurs pompiers de Paris — arme du génie — a été démilitarisée alors que certains régiments avaient combattu sur la Loire ; les gendarmes ne sont pas démilitarisés, mais avaient été dès le 20 juin, placés sous les ordres du ministère de l'Intérieur, et considérés par les Allemands comme une force de maintien de l'ordre). Le principe du service de longue durée oblige à dégager des cadres et à recruter des hommes de troupe[18]. En outre, les plans des fortifications doivent être remis à la Wehrmacht, le matériel de guerre livré intact, les aérodromes passent sous contrôle allemand[16].
- Article 10 : « Les Français sont tenus de ne pas continuer la guerre hors de France[19]. »
- Article 8 : « Le Reich s'engage à ne pas formuler de revendications à l'égard de la Flotte française lors de la conclusion de la paix mais la Flotte de haute mer doit regagner ses ports d'attache pour y être démobilisée et désarmée sous le contrôle des Allemands et des Italiens[16]. »
Les principales modalités concernant la taille et l'organisation de l'Armée sont décidés par des militaires allemands et italiens réunis le 29 juin à Wiesbaden, une ville de la Hesse qui avait été le siège du quartier général des autorités militaires françaises en Allemagne après 1918. Par la suite, une Commission allemande d'armistice siégeant dans la même localité dès le début du mois de juillet et chargée de veiller au respect des clauses de l'armistice en réglera aussi tous les détails[20].
Diktat ou pont d'or ?
Pour la plupart des dirigeants français, il semble clair que les forces allemandes qui ont écrasé l'Armée française vont rapidement venir à bout du Royaume-Uni. Ils n'imaginent pas une guerre mondiale durant plusieurs années, mais une paix très proche[21].
La question de savoir si en définitive les clauses de l'armistice ont été une bonne affaire pour Hitler a été très débattue dès le lendemain de la guerre : une fraction de la Wehrmacht estimait qu'Hitler avait commis une erreur en n'imposant pas un contrôle direct sur l'Empire français[16]. En janvier 1944, Winston Churchill déclarait au général Georges : « L'armistice nous a en quelque sorte rendu service. Hitler a commis une faute en l'accordant. Il aurait dû aller en Afrique du Nord, s'en emparer et poursuivre en Égypte »[16]. Le , Hitler déclare à Mussolini : « C'est l'intérêt de l'Axe de faire en sorte que le Gouvernement de Vichy maintienne son contrôle sur l'Empire français d'Afrique du Nord. Si le Maroc passait aux ordres de De Gaulle, nous devrions accomplir une action difficile à mener à bien, car elle devrait être fondée uniquement sur des moyens aériens. Le meilleur moyen de conserver ces territoires est d'obtenir que ce soient les Français eux-mêmes qui les défendent contre les Anglais […] »[16].
Les partisans de l'armistice ne voient pas plus loin que la conclusion d'une paix immédiate. Ce sont les Britanniques qui ont modifié la donne stratégique et déjoué les plans hitlériens en gagnant la bataille d'Angleterre[16].
L'Armée française de Mers el-Kébir à Montoire
Dans l'Armée d'Outre-mer, il se développe un mouvement hostile à l'armistice qui ne doit rien à l'Appel du 18 Juin du général de Gaulle qui, bien qu'ayant été brièvement sous-secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense nationale dans le Gouvernement Paul Reynaud, n'est alors que général de brigade à qui des généraux beaucoup plus étoilés n'ont aucune raison de se rallier. Le commandant en chef de l'Armée d'Afrique du Nord, le général Charles Noguès est le plus récalcitrant d'entre eux. Tout au long du mois de juin, il envoie au Gouvernement des télégrammes pour l'inciter à se transporter en Afrique du Nord pour y poursuivre la guerre. L'opposition de Noguès à l'armistice reçoit l'approbation de l'amiral Jean-Pierre Esteva commandant de la flotte de la Méditerranée à Bizerte et du général Eugène Mittelhauser commandant des forces françaises au Levant, c'est-à-dire en Syrie et au Liban[22].
Le général Maxime Weygand, commandant en chef des armées françaises depuis le 19 mai et ministre de la Défense nationale dans le nouveau Gouvernement Pétain fait savoir à Noguès qu'aucune force ne pourra lui être envoyée depuis le continent. Finalement Noguès accepte l'armistice, après avoir fait savoir qu'il risquait de concourir à une perte d'« autorité morale » aux yeux de la population indigène. Le 27 juin, le général Mittelhauser qui avait d'abord désapprouvé l'attitude de Noguès proclame à son tour la cessation des hostilités sur son théâtre d'opérations[23].
Sans l'appui d'aucun chef prestigieux, les officiers qui décident de rejeter l'armistice et de poursuivre la lutte dans le camp britannique le font en vertu d'une décision individuelle impliquant, avec l'abandon de leurs hommes et de leurs postes, le reniement des principes de discipline inculqués depuis le début de leur carrière[24]. Seule une poignée d'officiers de carrière rejoint le général de Gaulle, dont le vice-amiral Muselier[25], l'Armée d'armistice restant la seule héritière indiscutable de l'Armée française[26]. Le contre-amiral Charles Platon, en tournée en Afrique française au cours du mois de juillet 1940, n'a guère de mal à convaincre ses jeunes collègues de la nécessité de conserver l'Empire français sous un commandement unique[19].
Au début du mois de juillet, le premier ministre britannique Winston Churchill décide d'empêcher les navires français stationnés en Grande-Bretagne ou en Afrique du Nord de rejoindre leurs ports d'attache comme le prévoyait l'article 8 de la convention d'armistice. Churchill ne croyait pas à la promesse allemande de ne pas utiliser ces vaisseaux dans des opérations militaires. Le , après remise d'un ultimatum et son refus par le commandant français, la Royal Navy attaque la flotte française à Mers el-Kébir et la coule avec ses équipages à bord faisant 1 297 tués[27],[28]. Ce drame que le général de Gaulle définit comme « déplorable et détestable », mais qu'il préfère à une prise des navires par les nazis[29], signifie pour lui la fin de tout espoir d'une entrée massive en dissidence de l'Afrique du Nord et l'interruption du courant d'exilés volontaires vers Londres[30].
À la fin du mois d'août, la poignée d'officiers qui avait rejoint de Gaulle à Londres réussit quand même à faire basculer dans le camp des Français libres le Tchad, puis le Cameroun et le Congo avec la complicité des officiers en place. Comme le note Crémieux-Brilhac, si l'Armée traditionnelle a refusé l'aventure, les lieutenants et capitaines de la Légion et des troupes coloniales sont beaucoup plus réceptifs et forment l'ossature initiale des FFL[31]. Les Français Libres appuyés par les Britanniques échouent devant Dakar les 23 et 25 septembre où ils sont accueillis à coups de canon par le gouverneur Boisson et doivent néanmoins prendre par la force le Gabon le 9 novembre[31].
C'est dans ce contexte, où les troupes françaises d'outre-mer avaient été amenées à ouvrir le feu contre les Britanniques, ou contre les Français libres, que Pétain rencontre Hitler à Montoire-sur-le-Loir le [32].
À Montoire et dans la période qui suit, les négociateurs français mettent en avant ces faits d'armes qui prouvent que l'État français sait défendre sa souveraineté contre son ancien allié pour grappiller quelques avantages de la part du vainqueur. À Montoire, Pétain propose de reconquérir l'Afrique centrale devenue gaulliste et de combattre le Royaume-Uni dans ce but sans toutefois lui déclarer la guerre[33],[34],[35],[36]. Auparavant, à la commission d'armistice de Wiesbaden, le général Doyen, évoquant Dakar avait demandé au général von Stülpnagel « un geste équivalent de la part de l'Allemagne » et le ministre de la Guerre français Charles Huntziger souligne que « la France se bat avec l'Allemagne contre l'Angleterre[37] ». Pétain, dans son discours du annonçant son engagement sur la voie de la collaboration parle d'ailleurs de « réduire les dissidences » des colonies[38].
Dans les négociations qui suivent Montoire, les questions militaires occupent une place centrale. Le ministre de la Guerre Huntziger y joue un grand rôle. Laval met également en avant qu'il faut démontrer à la population que la politique de collaboration aura deux retombées importantes : des améliorations économiques et un renforcement de l'Armée française[39].
Cependant, bien qu'à Montoire Hitler soit resté indifférent à la proposition de collaboration militaire de Pétain[40], il a fait quelques concessions afin d'encourager la collaboration militaire de Vichy. Quelques officiers français furent libérés dans le but de monter une opération de reconquête du Tchad[41].
Finalement aucune expédition militaire n'est montée pour reconquérir le Tchad, mais après la prise en force de Libreville par les Français Libres, les Allemands permettent que les effectifs en Afrique du Nord soient relevés à 127 000 hommes. À ce chiffre s'ajoutent 60 000 hommes transformés en forces de police[42].
Refus de la dissidence
L'armistice de juin 1940 est loin de faire l'unanimité parmi les unités de l'Armée stationnées dans les différentes colonies de l'Empire français. Les troupes de Syrie, par exemple, avaient semblé être tentées par la poursuite de la guerre. Il était alors aisé de passer en Palestine, contrôlée par les Britanniques. En fait, sur une armée de 100 000 hommes, seuls quatre à cinq cents d'entre eux franchissent la frontière. Sur les 2 000 officiers et marins de l'escadre de Méditerranée orientale mouillée à Alexandrie, seule une centaine rejoignent les Français Libres d'Égypte[43].
Resserrement sur l'élite
Comme pour l'armée allemande (la Reichswehr) en 1919, la nécessité de restreindre le nombre d'officiers français à 8 000 permet de renforcer l'homogénéité du corps des officiers, en grande partie issus des grandes écoles militaires : Saint-Cyr et Polytechnique[44]. La démobilisation des officiers est un grand sujet de préoccupation pour le commandement dès le lendemain de l'armistice[44]. Dans l'Armée de terre, ce sont quelque 22 000 officiers qui sont dégagés des effectifs[18]. Pour parvenir à cet objectif de la façon la plus indolore qui soit, l'âge de la retraite est abaissé et un certain nombre de services spécialisés comme la santé, ou l'intendance sont « civilisés », c'est-à-dire que le personnel autrefois militaire effectue les mêmes tâches avec un statut civil. Les volontaires au départ bénéficient d'un statut spécial, le « congé d'armistice », avec une solde réduite, maintien des droits à la retraite et possibilité de reprendre leur carrière[44].
Comme les volontaires au départ à la retraite ou au congé d'armistice ne sont pas assez nombreux, un comité dirigé par le général Aimé Doumenc examine le dossier de chaque officier de façon à recentrer le corps des officiers sur une élite particulièrement représentative de ce que les chefs de l'Armée considèrent comme l'idéal de leur profession[44]. Il s'agit d'éliminer les incompétents, mais aussi les « dissidents »[44].
Pour le recrutement de la troupe, l'armistice aurait imposé d'abandonner complètement le système de conscription pour passer à l'armée de métier, mais en novembre 1942, il reste encore 25 000 appelés. L'engagé volontaire doit avoir entre 18 et 25 ans, ne doit pas être marié, ne doit pas être Juif ni appartenir à une société secrète. 38 % des engagés sont classés comme ouvriers, 21 % paysans, et 12 % manœuvres[18],[45].
La solde est élevée pour attirer les volontaires vers cette armée n'ayant plus le prestige d'antan, celle d'un caporal varie de 4 320 à 6 840 francs, un soldat de 1re classe touche de 3 960 à 6 210 francs et un soldat de 2e classe de 3 600 à 5 700 francs[46].
Un armement réduit
Selon les décisions de la commission de Wiesbaden, les unités stationnées en France métropolitaine n'ont pas le droit de conserver des chars, des armes antichars et antiaériennes. Pour l'artillerie, les canons d'un calibre supérieur à 75 mm sont interdits. Les 24 régiments d'infanterie de métropole doivent se contenter d'armes individuelles, de 132 mitrailleuses et de 136 mortiers… Chaque régiment est autorisé à conserver cinq voitures de liaison, 6 motocyclettes et 140 bicyclettes. Les réserves de munitions sont limitées à 1 000 coups par pièce[47]. Le nombre d'automitrailleuses est limité à 64. Ce sont des engins Panhard 178 équipés à l'origine d'un canon antichar de 25 mm et d'une mitrailleuse de 7,5 mm, mais le canon antichar est enlevé et remplacé par une seconde mitrailleuse[48],[49].
Après Mers-el-Kébir, les Allemands autorisent la reconstitution de forces antiaériennes. Les forces terrestres antiaériennes (FTA) en métropole regroupent deux batteries de canons de 90 mm modèle 1939, 32 (puis 39) batteries de canons antiaériens de 75 mm (en), 15 (puis 27) batteries de canons de 25 mm, seize batteries de projecteurs, seize compagnies de guet aérien. La Marine compte également quatorze batteries de canons antiaériens et quatre batteries de projecteurs, et l'Armée de l'Air six batteries de canons de 25 mm[50].
Organigramme des troupes terrestres de métropole
Le , la loi 509 portant création d'un Commandement en chef des Forces militaires de Terre, de Mer et de l'Air ordonnent une centralisation unique dans l'histoire de l'Armée française ; le commandant en chef étant l'amiral de la flotte François Darlan placé directement sous les ordres du chef de l'État Philippe Pétain tandis que le ministère de la Défense est supprimé[51].
En zone libre, l'armée est divisée en huit divisions militaires réparties dans deux groupes (GDM) :
- 1er groupe de divisions militaires (Avignon)[52] :
- 7e division militaire, Bourg-en-Bresse, départements de l'Ain et les zones non occupées du Jura et de Saône-et-Loire. Elle regroupe le 1er, le 2e et le 10e bataillon de chasseurs à pied (respectivement à Belley, Jujurieux et Neuville-sur-Ain, formant la 4e demi-brigade de chasseurs à pied, DBCP), le 65e régiment d'infanterie (Bourg-en-Bresse, Mâcon, Sathonay), le 151e régiment d'infanterie (Lons-le-Saunier), le 5e régiment de dragons (Mâcon), le 61e régiment d'artillerie (La Valbonne), le 10e bataillon du génie (La Valbonne), le groupe de transmissions 8/7 (Bourg-en-Bresse), la 7e compagnie du train (Bourg-en-Bresse), le 12e groupement de DCA (Lyon).
- 14e division militaire, Lyon (le général commandant cette unité a le titre de gouverneur militaire de Lyon), départements du Rhône, de Haute-Savoie, de Savoie, de l'Isère, des Hautes-Alpes, de la Drôme et l'arrondissement de Barcelonnette des Basses-Alpes. Elle regroupe le 6e, le 13e et le 27e bataillon de chasseurs alpins (respectivement à Grenoble, Chambéry et Annecy, formant la 3e demi-brigade de chasseurs alpins, DBCA), le 153e régiment d'infanterie alpine (Lyon), le 159e régiment d'infanterie alpine (Grenoble), le 11e régiment de cuirassiers (Lyon), le 2e régiment d'artillerie de montagne (Grenoble et Lyon), le 4e bataillon du génie (Grenoble), le groupe de transmissions 8/14 (Grenoble), la 14e compagnie du train (Lyon), la 12e groupement de DCA (Lyon).
- 15e division militaire, Marseille, départements de l'Ardèche, du Gard, du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, des Alpes-Maritimes, du Var et des Basses-Alpes moins l'arrondissement de Barcelonnette. Elle regroupe le 20e, le 24e et le 25e BCA (à Digne pour le 20e BCA et Hyères pour les deux autres, formant la 2e DBCA), le 43e RI (Marseille), le 21e régiment d'infanterie coloniale (Toulon et Arles), 173e bataillon autonome de Corse (Bastia), le 12e régiment de cuirassiers (Orange), le 10e régiment d'artillerie coloniale (Nîmes, Tarascon, Draguignan), le 7e bataillon du génie (Avignon), le groupe de transmissions 8/15 (Avignon), la 15ecompagnie du train (Marseille), le 13e groupement de DCA (Marseille, Hyères, Nîmes, Privas).
- 16e division militaire, Montpellier, départements du Cantal, de la Lozère, de l'Aveyron, du Tarn de l'Hérault, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. Elle regroupe le 8e RI (Montpellier et Sète), le 51e RI (Albi et Rodez), le 2e RIC (Perpignan, Carcassonne, Castelnaudary, le 3e RD (Castres), le 15e RA (Montpellier, Carcassonne, Castres), le 2e bataillon du génie (Montpellier), le groupe de transmissions 8/16 (Montpellier), la 16e compagnie du train (Albi), le 14e groupement de DCA (Montpellier, Perpignan, Port-Vendres).
- La 1re brigade de cavalerie comprenant le 1er et 7e régiment de chasseurs (respectivement à Vienne et Nîmes) est rattachée au 1er GDM.
- 2e groupe de divisions militaires (Clermont-Ferrand)[52] :
- 9e division militaire, Châteauroux, département et l'Indre et les zones non occupées du Cher, d'Indre-et-Loire et de la Vienne. Elle regroupe le 1er RI (Saint-Amand, Issoudun, Dun-sur-Auron), le 27e RI (Montmorillon), le 32e RI (Loches, Châteauroux), le 8e RC (Châteauroux et Buzançais), le 72e RA (Issoudun, Dun-sur-Auron, L'Isle-Jourdain), le 6e bataillon du génie (Le Blanc), le groupe de transmissions 8/9 (Châteauroux), la 9e compagnie du train (Châteauroux), le 21e groupement de DCA (Châteauroux).
- 12e division militaire, Limoges, département de la Haute-Vienne, zones non occupées de la Charente, de la Dordogne et l'arrondissement de Brive du département de la Corrèze. Elle regroupe le 8e, le 16e et le 30e bataillon de chasseurs à pied (respectivement à Magnac-Laval, Limoges et Saint-Laurent-de-Céris, formant la 1re DBCP), le 26e RI (Périgueux, Bergerac, Brantôme), le 41e RI (Brive, Saint-Yrieix), le 6e RC (Limoges), le 35e RA (Périgueux, Limoges), le 1er bataillon du génie (Bergerac), le groupe de transmissions 8/12 (Limoges), la 12e compagnie du train (Limoges), le 22e groupement de DCA (Limoges, Bergerac).
- 13e division militaire, Clermont-Ferrand, départements de la Creuse, du Puy-de-Dôme, de la Loire, de la Haute-Loire de la Corrèze (moins l'arrondissement de Brive) et zone non occupée de l'Allier. Elle regroupe le 5e RI (Saint-Etienne, Roanne), le 92e RI (Clermont-Ferrand, Riom), le 152e RI (Montluçon, La Palisse), le 8e RD (Issoire), le 4e RA (Clermont-Ferrand), le 9e bataillon du génie (Roanne), le groupe de transmissions 8/13 (Clermont-Ferrand), la 13ecompagnie du train (Clermont-Ferrand), le 23e groupement de DCA (Clermont-Ferrand, Saint-Etienne).
- 17e division militaire, Toulouse, départements du Lot, de Lot-et-Garonne, du Gers, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées, de l'Ariège et les zones non occupées de la Gironde, des Landes et des Basses-Pyrénées. Elle groupe le 18e RI (Pau, Tarbes, Aire-sur-Adour), le 23e RI (Toulouse, Montauban), le 150e RI (Agen, Marmande, Cahors), le 2e RD (Auch), le 24e RA (Toulouse, Agen, Tarbes), le 3e bataillon du génie (Castelsarrasin), le groupe de transmissions 8/17 (Toulouse), la 17e compagnie du train (Tarbes), le 24e groupement de DCA (Toulouse, Lannemezan).
- La 2e brigade de cavalerie comprenant les 2e et 3e régiment de hussards (respectivement à Tarbes et Montauban) est rattachée au 2e GDM.
Organigramme des unités aériennes en métropole
En vertu des conditions d'armistice révisées, les groupes de chasse comprenaient 26 appareils et les groupes de bombardement ou de reconnaissance 13 appareils.
Groupes de Chasse
- G.C. I/1 à Lyon-Bron (Bloch 152).
- G.C. II/1 à Le Luc-en-Provence (Bloch 152).
- G.C. I/6 à Salon-de-Provence (Morane 406), dissous le 30 octobre 1940.
- G.C. I/8 à Montpellier-Fréjorgues (Bloch 152).
- G.C. I/8 à Marignane (Bloch 152).
- G.C. II/9 à Aulnat (Bloch 152).
- G.C. III/9 à Salon-de-Provence (Bloch 152).
- E.C.N. I/13 à Nimes-Garons (Potez 631).
- E.C.N. III/13 à Nimes-Garons (Potez 631).
Groupes de Bombardement
- G.B. I/12 à Istres (Lioré et Olivier LéO 451)
- G.B. II/15 à Istres (Farman F 222)
- G.B. I/31 à Istres (Lioré et Olivier LéO 451)
- G.B. I/38 à Istres (Amiot 143)
- G.B. I/38 à Istres (Amiot 143)
- G.B.A. I/51 à Lézignan (Bréguet 693 et Bréguet 695)
- G.B.A. I/54 à Lézignan (Bréguet 693)
Groupes de Reconnaissance
- G.R. I/14 à Perpignan (Potez 63.11)
- G.R. II/14 à Avignon-Pujaut (Potez 63.11)
- G.R. II/22 à Montpellier-Fréjorgues (Potez 63.11)
L'Armée de Vichy et les gaullistes
L'historien Robert Paxton note que « […] Pratiquement aucun officier français ne se réjouissait de l'occupation par les Allemands des deux tiers de la France ; aucun n'était « pro-allemand » au sens littéral du terme. Le national-socialisme ne toucha une corde sensible que chez un très petit nombre d'officiers marginaux […] »[53].
S'il existe, au sein de l'Armée d'armistice, une mouvance anti-allemande qui peut s'exprimer à peu près librement, le courant gaulliste est pratiquement inexistant. De nombreux officiers de carrière impliqués dans des actions anti-allemandes tiennent pourtant à se démarquer des gaullistes, tel le général de La Laurencie qui sert de relais pour le transfert des fonds de l'OSS vers Henri Frenay, mais qui, fervent pétainiste, dénonce les dissidents gaullistes en ces termes : « Toute dissidence est un crime contre la patrie »[54].
Par son appel du 18 Juin, le général de Gaulle invitait prioritairement « les officiers et les soldats français » à venir le rejoindre. On comprend bien que la plupart des officiers ayant charge de famille ne se soient pas précipités à Londres. La dissidence gaulliste reste néanmoins une menace contre laquelle il convient d'argumenter pour convaincre les officiers qui seraient tentés par l'aventure, comme le fait le général Dentz en écrivant dans Le Figaro : « Vous connaissez ceux qui sont passés de leur côté : les tarés, endettés, ambitieux, aigris, mal mariés ou pourvus de maîtresses […][55] ».
Les Britanniques et les gaullistes ne se privent d'ailleurs pas de courtiser les officiers français au plus haut échelon. Weygand qui avait reçu une lettre des Britanniques concernant l'approvisionnement en pétrole de l'Afrique du Nord en reçoit une autre de De Gaulle le . Il s'en déclare offensé par le ton comme par le contenu. Le général Catroux, le plus gradé des compagnons de De Gaulle n'a pas plus de succès en contactant certains de ses anciens subordonnés comme le général Laure devenu chef de cabinet de Pétain. Catroux fait valoir que la reprise des hostilités par le Gouvernement français pourrait effacer le sentiment de défaite laissé chez les peuples coloniaux, et que ceci mérite de « sacrifier ce qu'il reste de territoire métropolitain non occupé ». Laure reste convaincu que la rupture de l'armistice n'aurait d'autre effet que de « poloniser » la France[56].
Au sein de l'Armée d'Afrique, par suite des différents conflits avec les FFL ou les forces britanniques, les gaullistes font l'objet d'un véritable rejet qui sera l'une des données pour le débarquement allié de novembre 1942 : « Rien ne pouvait se faire en Afrique du Nord sans l'appui des très nombreux éléments patriotes du vichyisme. Le gaullisme de Londres y était inexportable, tout comme le romantisme gauchisant de la future résistance métropolitaine. Si l'on voulait réussir, il fallait en Afrique du Nord une formule particulière, et par-dessus tout, entraîner l'Armée qui constituait le facteur décisif »[57].
Anglophobie
L'anglophobie d'une large partie de l'armée a aussi pu favoriser l'adhésion du corps militaire à la politique de neutralité défendue par Vichy depuis l'armistice et l'entrevue de Montoire. Avant même l'affaire de Mers el-Kébir, de multiples raisons font monter le ressentiment contre les Britanniques au sein de l'Armée française : faible engagement britannique dans la bataille de France, évacuation de Dunkerque[58]. Des dirigeants français avaient également mis en cause l'égoïsme des Britanniques qui refusaient d'envoyer toute la flotte aérienne de la RAF[59].
Après Mers-el-Kébir, dès l'automne 1940, les Britanniques soutiennent les avancées des Français libres en AEF. Beaucoup d'officiers servant dans les colonies françaises doutaient, à l'image du gouverneur général du Sénégal, Pierre Boisson, que la Grande-Bretagne rendrait Dakar à la France, si elle s'en emparait[60]. Paxton souligne que de Gaulle lui-même avait besoin d'être rassuré à propos des rivalités impériales franco-britanniques[61] : « Au général de Gaulle qui sur ce sujet comme sur bien d'autres, partageait les vues de Vichy, Churchill avait promis par écrit dès le 7 août 1940 la restauration intégrale de la grandeur de la France »[62].
À cette rivalité historique s'ajoutent les frictions quotidiennes consécutives au blocus que la Grande-Bretagne faisait subir à l'Europe hitlérienne et qui se traduit par l'arraisonnement en haute mer de bâtiments de commerce français[61]. Et, lorsque les relations entre Vichy et la Grande-Bretagne se radoucissent, que des pourparlers sont amorcés en vue d'alléger le blocus, ce sont les Allemands qui exigent la cessation de toute négociation[61].
L'option Giraud
Peu sensibles aux sirènes du gaullisme, anti-allemands et anglophobes, les officiers de l'Armée d'armistice se sentent beaucoup plus à l'unisson du général Giraud à partir d'avril 1942, date à laquelle ce dernier réussit son évasion de la forteresse de Königstein. Général d'armée, il bénéficie alors d'un grand prestige et incarne les aspirations de tous ceux qui, surtout depuis l'entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941, se verraient bien retourner aux côtés des Alliés[63].