Influence de la philosophie de Friedrich Nietzsche sur Martin Heidegger
De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Heidegger a été un lecteur attentif de Nietzsche et de sa philosophie, « l'adversaire le plus intime » nous dit Michel Haar[1],[N 1], l'adversaire du suprême combat, l'Auseinendersetzung, précisera Pierre Caye (op. cit. p. 155). Il consacre six séminaires à l'étude de son œuvre de 1936 à 1942, qui seront recueillis en deux tomes : Nietzsche I et Nietzsche II en 1961. En 1943, il prononce la conférence « Le mot de Nietzsche, Dieu est mort », reprise dans les Chemins qui ne mènent nulle part. En 1953, il prononce la conférence « Qui est le Zarathoustra de Nietzsche ? », reprise dans les Essais et conférences.
De toutes les études que Heidegger a consacrées aux grands penseurs (Hegel, Kant), aucune n’est aussi vaste, considérable et détaillée que son explication (Auseinendersetzung) avec Nietzsche, étude rendue publique à partir des années trente et publiée en grande partie dans les deux tomes du Nietzsche en 1961, qui comprennent les cours donnés durant les années de 1936 à 1940 à l'Université de Fribourg-en-Brisgau. Pour Hans-Georg Gadamer, ces deux tomes de par leur importance constituaient le véritable pendant à Être et Temps et le compte rendu du débat entretenu avec l'interlocuteur redoutable qu'il s'était inventé en la personne de Nietzsche, qu'il poussait jusqu'à ses conséquences métaphysiques ultimes[2].
Dans Être et Temps, Nietzsche n'est cité que deux fois, alors que son influence souterraine est profonde et certaine[N 2], par exemple au § 53, alors que Heidegger traite de l’« existence authentique », ainsi lorsqu'il est dit du « libre devancement vers la mort » qu’il empêcherait le Dasein de « devenir trop vieux pour ses victoires » (ET, 264) où il s’agit d’un mot du Zarathoustra, tiré d’un chapitre intitulé « De la libre mort »[3], ce qui laisse entendre que Heidegger aurait reconnu en Nietzsche un précurseur dans la pensée de la Finitude[4].
Ce serait aussi dans son face-à-face avec Nietzsche que Heidegger aurait mis en évidence pour la première fois les catégories métaphysiques qui sont celles de la technique moderne. Cette confrontation aurait été l'occasion de la découverte de la véritable essence du nihilisme comme relevant de l’« oubli de l’être » inhérent au mode de penser métaphysique, autrement dit des thèmes essentiels qui ont conduit au Tournant[5].
Enfin ce sont les questions posées par Nietzsche qui ont conduit Heidegger à s'interroger sur ce qu'il y avait en amont de la métaphysique[6].
Il ne s'agira pas ici d'étudier la doctrine de Nietzsche en soi, mais de tenter de résumer l'interprétation qu'en donne Heidegger. Ceci d'un point de vue très particulier mais absolument fondamental pour lui, à savoir le thème de l'achèvement de la métaphysique[N 3], résumant et clôturant l'histoire de la philosophie à partir duquel Heidegger interprètera la pensée de Nietzsche.