Histoire de la transition démocratique espagnole
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L'histoire de la transition démocratique espagnole commence le , jour de l'annonce officielle de la mort du général Francisco Franco, où le « Conseil de régence » assuma temporairement les fonctions du chef de l'État. Deux jours plus tard, Juan Carlos Ier de Bourbon, désigné six ans plus tôt par Franco comme son successeur, serait proclamé roi devant les Cortes et le Conseil du Royaume. Au cours de cette période, le pays connaît une transition depuis un régime dictatorial vers un régime constitutionnel de démocratie représentative parlementaire. Elle constitue la première étape du règne de Juan Carlos Ier (es) et fait partie de la « troisième vague de démocratisation » — théorisée par le politologue américain Samuel P. Huntington dans son ouvrage The Third Wave: Democratization in the Late Twentieth Century (en) —, qui débute en avril 1974 avec la « révolution des Œillets » au Portugal et culmine avec la chute des régimes communistes en Europe centrale et orientale en 1989. D'autre part, après la brève expérience de la Seconde République, la Transition constitue le deuxième processus de démocratisation de l'histoire de l'Espagne au cours du XXe siècle[1].
Dans un premier temps, le roi confirma dans ses fonctions le président du gouvernement du régime franquiste, Carlos Arias Navarro. Cependant, la difficulté à mener à bien des réformes politiques sous son mandat devint rapidement évidente et causa un éloignement progressif entre le politicien et le monarque. Finalement, le roi exigea sa démission le et l'obtint. Il le remplaça par Adolfo Suárez, qu'il chargea d'entamer des échanges avec les dirigeants des principaux partis politiques de l'opposition démocratique et des principales organisations sociales, plus ou moins légales ou tolérées, en vue d'établir un régime démocratique en Espagne.
La voie utilisée fut celle proposée par Torcuato Fernández Miranda, président par désignation royale des Cortes franquistes : l'approbation d'une huitième Loi fondamentale, la Loi pour la réforme politique, rédigée par Fernández Miranda lui-même. Non sans tensions, elle fut finalement entériné par les Cortes et soumise à référendum le 15 décembre 1976 puis promulguée le 4 janvier 1977. Cette norme signifiait l'abrogation tacite du système politique franquiste en seulement cinq articles et un appel à des élections démocratiques.
Les élections, les premières depuis celles de février 1936, eurent lieu le 15 juin 1977[2]. La coalition de l'Union du centre démocratique (UCD), dirigée par Suárez, fut la liste la plus votée, sans toutefois obtenir la majorité absolue, et fut chargée de former un gouvernement. Le processus de construction de la démocratie en Espagne et d’élaboration d’une nouvelle constitution commença alors. Le 6 décembre 1978, la Constitution fut ratifiée par référendum avec le soutien de 87,78 % des voix, soit 58,97 % des électeurs inscrits, et entra en vigueur le 29 décembre. Adolfo Suárez reconnut ultérieurement, dans une interview avec la journaliste Victoria Prego, qu'il n'y avait pas eu de référendum sur la forme de l'État (monarchie ou république) car les sondages d'opinion réalisés par le gouvernement de l'époque prédisaient une victoire de l'option républicaine[3].
Au début de 1981, Adolfo Suárez démissionnea en raison de l'éloignement du monarque et de pressions internes dans son propre parti. Lors du vote au Congrès des députés pour élire Leopoldo Calvo-Sotelo (UCD) comme son successeur, eut lieu une tentative de coup d'État — connue sous le nom de 23-F —dirigée, entre autres, par le lieutenant-colonel de la Garde civile Antonio Tejero, le général Alfonso Armada et lieutenant-général Jaime Milans del Bosch.
Les tensions internes au sein de l'UCD minèrent peu à peu le soutien des citoyens tout au long de 1981 et 1982, conduisant à sa dissolution en 1983. La faction démocrate-chrétienne finit par rejoindre Alliance populaire, dont elle occupa ainsi le secteur du centre-droit ; les membres les plus proches de la social-démocratie rejoignirent les rangs du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Cependant, l'ancien président Suárez et un groupe de dissidents de l'UCD lancèrent un nouveau projet politique centriste, Centre démocratique et social (CDS), qui eut des représentants au Congrès jusqu'en 1993.
Le PSOE succéda à l'UCD après avoir obtenu la majorité absolue aux élections de 1982, occupant 202 des 350 sièges, ouvrant ainsi la ii législature démocratique. Pour la première fois depuis les élections générales de 1936, un parti de gauche formerait un gouvernement. La plupart des historiens considèrent que cet événement marque la fin de la Transition, mais d'autres prolongent la période jusqu'au , date de l'entrée officielle de l'Espagne dans la Communauté européenne.
La Transition se déroula dans un climat de violence : on décompte plusieurs centaines de meurtres, commis par des groupes terroristes, d'extrême gauche, principalement Euskadi Ta Askatasuna (ETA) et les Groupes de résistance antifasciste du premier octobre (GRAPO)[4], et d'autres d'extrême droite ; d'autres victimes périrent du fait de l'intervention des forces de l'ordre elles-mêmes. Les enquêtes estiment le nombre de morts dans une fourchette comprise entre 500 et 700 personnes (de 1975 au début des années 1980), la grande majorité dans des attentats terroristes, notamment du groupe armé ETA, directement responsable de plus de la moitié des décès[12]. C'est pourquoi l'historiographie récente remet en question la version longtemps dominante d'une transition exemplaire et qui serait survenue dans un climat de paix sociale, même relative[13],[14].