Tchad
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Le Tchad (en arabe : تشاد, Tšād), en forme longue la république du Tchad (en arabe : جمهورية تشاد, Jumhūriyyat Tšād), est un pays d'Afrique centrale, sans accès à la mer, frontalier de la Libye au nord, du Soudan à l'est, de la République centrafricaine (ou Centrafrique) au sud, du Cameroun au sud-sud-ouest, du Nigeria à l'ouest-sud-ouest et du Niger à l'ouest. Sa capitale, N'Djaména, est également sa ville la plus peuplée.
République du Tchad
(ar) جمهورية تشاد
Drapeau du Tchad |
Armoiries du Tchad |
Devise | Unité - Travail - Progrès |
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Hymne |
La Tchadienne |
Fête nationale | 11 août |
· Événement commémoré |
Proclamation d'indépendance vis-à-vis de la France () |
Forme de l'État | République unitaire présidentielle sous junte militaire |
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Président de la Transition | Mahamat Idriss Déby |
Premier ministre | Succès Masra |
Parlement | Conseil militaire de transition |
Langues officielles | Français et arabe |
Capitale | N'Djaména |
Plus grande ville | N'Djaména |
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Superficie totale |
1 284 000 km2 (classé 21e) |
Superficie en eau | 1,9 % |
Fuseau horaire | UTC +1 |
Entité précédente | |
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Indépendance | France |
Date |
Gentilé | Tchadien, Tchadienne |
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Population totale (2021[1] [2]) |
15 946 882 hab. (classé 72e) |
Densité | 12 hab./km2 |
PIB nominal (2021) | 12,345 milliards de $ (144e) |
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PIB (PPA) par hab. (2021) | 614 $ (194e) |
Taux de chômage (2020) | 1,74 % de la pop. |
Dette publique brute (2020) | 2,8 milliards de $[3][4] |
Monnaie |
Franc CFA (CEMAC) (XAF ) |
IDH (2021) | 0,394[5] (faible ; 190e) |
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IDHI (2021) | 0,251[5] (154e) |
Coefficient de Gini (2018) | 37,5 %[6] |
Indice d'inégalité de genre (2021) | 0,652[5] (165e) |
Indice de performance environnementale (2022) | 28,1[7] (165e) |
Code ISO 3166-1 |
TCD, TD |
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Domaine Internet | .td |
Indicatif téléphonique | +235 |
Organisations internationales |
ONU : 1960 OIF UA : 1963 CEEAC : 1983 CEMAC : 1994OHADAAPOBADCEN-SADCIRCBLTG5SCAMES |
Géographiquement et culturellement, le Tchad constitue un point de passage entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne. D'une superficie de 1 284 000 km2, c'est le cinquième pays le plus vaste d'Afrique (après l'Algérie, la république démocratique du Congo, le Soudan et la Libye) et le vingt-et-unième pays le plus grand du monde. Avec environ 17,6 millions d'habitants, il est le vingt-quatrième pays le plus peuplé d'Afrique et le soixante-neuvième pays le plus peuplé du monde. Le Tchad se divise en trois grands ensembles géographiques : du nord au sud, on trouve successivement une région désertique, un espace semi-aride, puis la savane soudanaise. Le lac Tchad, qui donne son nom au pays, est son principal plan d'eau, et le point culminant du pays est l'Emi Koussi, qui culmine à 3 415 m d'altitude, volcan éteint situé dans le Nord du pays et faisant partie du massif du Tibesti.
Les langues officielles du Tchad sont l'arabe et le français, et plus d'une centaine de langues sont parlées sur le territoire tchadien, qui abrite plus de 200 groupes ethniques différents. Le Tchad est un pays laïc où la liberté religieuse est garantie par la loi ; l'islam (55,3 %) et le christianisme (40,6 %) sont les deux principales religions pratiquées.
Le territoire tchadien est occupé par les hommes dès la Préhistoire ; les populations humaines se sont massivement installées à partir du VIIe millénaire av. J.-C. dans le bassin tchadien. Différents États et empires, comme le royaume du Kanem-Bornou, le royaume du Ouaddaï ou le royaume du Baguirm, se sont succédé dans la partie centrale du pays depuis la fin du Ier millénaire av. J.-C., en tentant de contrôler le commerce transsaharien.
De la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, la France affirme progressivement sa souveraineté sur l'ensemble du territoire actuel du Tchad, qu'elle incorpore à l'Afrique-Équatoriale française (A.-É.F.) en 1920. En 1940, le Tchad (alors nommé « Territoire du Tchad ») devient la première colonie française à se rallier à la France libre pendant la Seconde Guerre mondiale. Le pays obtient son autonomie en 1958, puis son indépendance en 1960, avec pour premier chef d'État le président de la République François Tombalbaye, qui a été assassiné lors du coup d'État d'avril 1975. Dès 1982, Hissène Habré dirige le pays avec fermeté, notamment pendant le conflit tchado-libyen. En 1990, il est renversé par un coup d'État et remplacé par Idriss Déby, qui reste président jusqu'à sa mort en avril 2021, à la tête d'un régime politique toujours considéré comme autoritaire. Son fils, Mahamat Idriss Déby, prend alors le pouvoir, en dépit des dispositions constitutionnelles.
Le pays est régulièrement le théâtre de troubles géopolitiques majeurs, dont trois guerres civiles de 1965 à 1979, de 1979 à 1982 et de 2005 à 2010. À partir de 2003, le Tchad ne parvient pas à faire face aux centaines de milliers de réfugiés soudanais qui vivent dans l'Est du pays, à cause de la guerre du Darfour. Enfin, il subit les conséquences de la deuxième guerre civile libyenne (2014-2020).
L'économie du Tchad est très dépendante de la production de matières premières, minérales et agricoles. Le pays est devenu exportateur de pétrole à partir de 2003, alors que son économie reposait jusqu'alors principalement sur la production de coton, d'arachide, de gomme arabique et de bœuf, ce qui a considérablement renforcé les ressources financières de l'État. Le produit intérieur brut (PIB) du Tchad est de 12,345 milliards de dollars en 2021. Dans son rapport annuel de 2021, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) classe le Tchad comme le deuxième pays le moins développé au monde (après le Soudan du Sud), malgré une augmentation de son IDH depuis 2000 en passant de 0,291 à 0,394. Le Tchad reste aujourd'hui l'un des pays les plus pauvres et les plus corrompus du monde ; la plupart de ses habitants vivent dans la pauvreté en tant qu'éleveurs et agriculteurs de subsistance.
Localisation, frontières et superficie
Le Tchad est l’un des plus grands pays enclavés du monde, à la fois dans le centre et le Nord de l’Afrique. Il couvre une superficie de 1 284 000 kilomètres carrés[8], située entre les latitudes 7° et 24°N, et les longitudes 13° et 24°E. Par sa superficie, il est classé vingt-et-unième plus grand pays du monde, et le cinquième du continent africain. Il est légèrement plus grand que d'autres pays de la bande sahélienne tels que le Niger ou le Mali, mais plus petit que le Soudan.
Au nord du Tchad, on retrouve la Libye. À l’est, se trouve le Soudan. À l’ouest, le Tchad est limitrophe avec le Niger, le Nigeria et le Cameroun. Enfin, au sud, les frontières tchadiennes sont ouvertes sur la République centrafricaine.
Géomorphologie, climat et répartition de la population
Le Tchad compte 16,8 millions d'habitants en 2021, dont 1,9 million vivent dans la capitale, N'Djaména[9]. Cette ville, la plus grande du pays, est à 1 700 km du port maritime le plus proche, qui est à Douala, au Cameroun[9]. En partie en raison de cette distance de la mer et du climat largement désertique du pays, le Tchad est un pays de faible densité humaine. Il connaît pourtant d'importants contrastes, et notamment trois grandes zones, aux limites variables en fonction des saisons, jusqu’à parfois même engendrer une quatrième zone.
Le centre du pays est constitué par un plateau, profondément creusé par les vallées de deux cours d'eau, le Logone et le Chari, les principaux cours d'eau du pays qui se jettent dans le lac Tchad depuis le sud-est. Ces deux systèmes fluviaux prennent leur source dans les hauts plateaux pluvieux de la République centrafricaine et du Cameroun, des régions qui reçoivent plus de 1 250 millimètres de précipitations par an. Alimenté par des rivières de la République centrafricaine, ainsi que par les rivières Bahr Salamat, Bahr Aouk et Bahr Sara du sud-est du Tchad, le fleuve Chari est long d'environ 1 200 kilomètres. Depuis ses origines près de la ville de Sarh, le cours moyen du Chari se fraie un chemin à travers un terrain marécageux ; le cours inférieur du Chari est rejoint par la rivière Logone près de N'Djaména. La rivière Logone est formée par des affluents provenant du Cameroun et de la République centrafricaine. Plus court et plus petit en volume que le Chari, il coule vers le nord-est sur 960 kilomètres ; son volume varie de cinq à quatre-vingt-cinq mètres cubes par seconde. À N'Djaména, le Logone se jette dans le Chari, et les deux cours d'eau combinés s'écoulent ensemble sur trente kilomètres à travers un large delta et dans le lac Tchad. À la fin de la saison des pluies, en automne, le fleuve déborde de son lit et crée une immense plaine d'inondation dans le delta[10].
Le tiers nord du pays fait partie du désert du Sahara, qui occupe une immense place, séparant ainsi physiquement les populations du Nord du Tchad avec celles du Sud. Il y pleut rarement et de manière peu régulière avec des précipitations de moins de 200 millimètres par an. Le climat est rude et peu propice à l’agriculture. La densité est très faible, avec environ 1 habitant au km2[11]. Le Sahara tchadien est en fait un large bassin délimité à l’est par le plateau de l'Ennedi et au nord par les montagnes du Tibesti. Ce dernier, près de la frontière avec la Libye et difficilement accessible, est un massif volcanique de près de 75 000 km2, dans lequel culmine le volcan Emi Koussi qui se situe à 3 415 mètres d'altitude et constitue le plus haut sommet du pays[12]. Dans l’Est, on trouve l’Ennedi, un plateau culminant à 1 450 mètres[13].
Au centre du Tchad se trouve la steppe sahélienne. La pluviométrie est variable (entre 200 et 800 mm par an) et la région compte seulement 2,5 millions d’habitants. On y trouve successivement, en allant de l’est vers l’ouest, différents paysages : le massif montagneux du Ouaddaï, les étendues sableuses du Mortcha, les dunes mortes du Kanem et le lac Tchad. Ce dernier, qui a donné son nom au pays, est le vestige d’un immense lac, peu profond, qui occupait 300 000 km2 il y a 7 000 ans. Il ne couvre plus que 17 806 km2 aujourd’hui[14]. Il est la quatrième plus grande étendue d'eau du continent africain et le troisième plus grand lac clos de la planète[15].
Le Sud, enfin, est une région plate et très argileuse, en raison de la couverture sédimentaire formée par l'érosion des roches en climat tropical. Lorsqu’il pleut, en été et en automne, cette région tropicale se transforme en un immense marécage qui engendre une impossibilité de circuler, notamment entre le Logone et le Chari et dans le Salamat. Le fleuve Chari est deux fois plus grand que lors de la saison sèche. La végétation y est foisonnante. En moyenne, c'est ici, dans le Sud-Ouest, que les densités de population sont les plus élevées.
Au sens du Fonds mondial pour la nature, le Tchad abrite six écorégions terrestres, du nord au sud : les forêts claires xérophiles d'altitude du Tibesti et du Jebel Uweinat, les forêts claires xériques d'altitude de l'Est du Sahara, les steppe et forêts claires du Sud du Sahara, la savane sahélienne à acacias, la savane inondable du lac Tchad et la savane soudanienne orientale[16].
Le large éventail de latitudes du Tchad (qui s'étend vers le sud à partir du tropique du Cancer sur plus de 15°) est assorti d'une gamme climatique qui varie de la zone tropicale humide à la zone désertique, en passant par des zones tropicales plus ou moins sèches. La température moyenne annuelle est élevée et à peu près identique dans tout le pays avec deux maxima en avril-mai et en septembre-novembre et deux minima en décembre et août, ce dernier correspondant à un maximum des pluies. La saison des pluies représente la moitié de l'année dans le Sud, quatre mois seulement à la hauteur de N'Djaména, avec deux phases sèches, l'une froide en décembre-janvier et l'autre très chaude d'avril à juin, tandis que le Nord hyperaride n'a que des pluies brèves et irrégulières pendant l'été. Le mois d'août peut concentrer 30 % des précipitations[17]. La saison sèche, qui dure de décembre à février dans tout le pays, est relativement fraîche, avec des températures diurnes comprises entre 20 et 30 °C et des températures nocturnes qui descendent entre 10 et 25 °C. À partir de mars, il fait très chaud jusqu'à l'arrivée des premières pluies abondantes. À N'Djaména, la capitale, les températures diurnes moyennes dépassent les 38 °C entre mars et juin. Les fortes pluies commencent à N'Djaména en juillet, et les températures diurnes moyennes tombent aux alentours de 30 °C mais les températures nocturnes restent dans les 20 °C jusqu'au début de la saison sèche et fraîche de N'Djaména en novembre.
Selon le Dictionnaire de l'origine des noms et surnoms des pays africains d'Arol Ketchiemen, le Tchad est surnommé « le cœur mort de l’Afrique », en raison de son enclavement au centre du continent et de son climat particulièrement désertique[18].
Préservation des espaces naturels et de la vie sauvage
Au Tchad, dès 2014, les espaces protégés consacrés à la conservation de la diversité biologique couvrent environ 20 % du territoire national avec dix forêts classées, trois parcs nationaux, sept réserves de faune, une réserve de biosphère, des zones humides d’importance internationale, de nombreuses forêts et une partie de la plaine herbeuse à la frontière avec le Soudan. La conservation de la nature est concrétisée par la création de parcs nationaux dont le parc national de Zakouma, dans le Sud-Est du Tchad, d'une superficie de 3 000 km2, ainsi que le parc national de Manda[19].
- Girafe du parc national de Zakouma.
- Antilope rouanne, présente sur tout le territoire tchadien.
- Éléphant du Tchad.
Sur le territoire tchadien, un inventaire scientifique établi en 2013 a référencé 134 espèces de mammifères, 509 espèces d'oiseaux (354 espèces de résidents et 155 migrants) et plus de 1 600 espèces de plantes dans tout le pays[20]. On y trouve des éléphants, des lions, des buffles, des hippopotames, des rhinocéros, des girafes, des antilopes, des léopards, des guépards, des hyènes et de nombreuses espèces de serpents. La plupart des populations de grands carnivores ont considérablement réduit depuis le début du XXe siècle. Le braconnage des éléphants, en particulier dans le Sud, notamment au sein du parc national de Zakouma[21], est un fléau important. Le petit groupe de crocodiles d'Afrique de l'Ouest survivant dans le plateau de l'Ennedi représente l'une des dernières colonies connues dans le Sahara aujourd'hui[22].
La déforestation intensive et la destruction des espaces naturels ont entraîné la perte d'arbres tels que les acacias, les baobabs, les dattiers et les palmiers. Cela a également causé la perte d'habitat naturel pour de nombreux animaux sauvages. Les populations d'animaux sauvages comme les lions, les léopards et les rhinocéros ont considérablement diminué depuis les années 1980. C'est essentiellement dû à la présence humaine et à ses activités de chasse et d'élevage, qui entrent en contradiction avec l'intérêt de long terme de la préservation des espaces naturels. Des missions de sensibilisation et de formation des populations locales ont été organisées par l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture afin d'associer aux efforts internationaux de développement durable les agriculteurs, les agro-éleveurs et les éleveurs tchadiens présents sur place, notamment au sein du parc national de Zakouma[23].
Autre menace pesant sur la faune et la flore tchadiennes : la désertification. Dans le cadre de l'effort national de conservation des espaces verts, plus de 2 000 000 arbres[24] ont été replantés pour freiner l'avancée du désert, ce qui a par ailleurs un impact positif sur l'économie locale grâce à l'exploitation des arbres fruitiers et des forêts d'acacias, qui permettent de produire de la gomme arabique.
Le Tchad a également créé le une réserve de biosphère de 195 000 hectares autour du lac Fitri, qui n'est pas encore reconnue officiellement par l'Unesco[25].
Le , à l'occasion du sommet « Défi climatique et solutions africaines » en marge de la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques (COP 21), Idriss Déby alerte la communauté internationale sur le besoin de financement pour l'avenir du lac Tchad, dont la surface a été divisée par huit depuis 1973 : « La question du lac Tchad est ancienne. À toutes les rencontres sur le climat depuis 20 ans, ce dossier a été évoqué […] depuis Copenhague, Rio et aujourd'hui Paris. Je ne suis pas sûr que, jusqu'à aujourd'hui, nous ayons trouvé des oreilles, tout au moins des actions concrètes[26]. »
Préhistoire
On date du VIIe millénaire avant notre ère l’arrivée des premiers hommes sur les terres de l’actuel Tchad.
À la fin des années 1990, de nombreuses expéditions scientifiques ont d’ailleurs mis en évidence des traces préhistoriques d’activités proto-humaines, avec notamment la découverte d’Abel, un fossile d’hominidé qui aurait vécu entre 3,5 et 3 millions d’années avant Jésus-Christ[27].
C’est aussi au Tchad qu’a été découvert un crâne de primate fossile, surnommé Toumaï, que certains paléoanthropologues considèrent comme l’un des premiers ancêtres de l’espèce humaine[28].
Les royaumes traditionnels
Avant la structuration de la territorialité actuelle du Tchad, plusieurs royaumes traditionnels se sont succédé. L'empire du Kanem est cité à partir du IXe siècle ; à son apogée, enrichi par le commerce transsaharien, il s'étend au nord jusqu'au Borkou et à Mourzouq dans le Fezzan tandis qu'au sud, la région du Logone est un important centre métallurgique. Au XIIIe siècle, le Kanem est affaibli par des guerres de succession et son centre de gravité se déplace vers le Bornou. Du XVIe au XVIIIe siècle, la puissance bornouane décline, les Sao du Sud, les Touareg de l'Aïr multiplient les raids, seuls les royaumes du Ouaddaï et du Baguirmi conservent une certaine stabilité ; les guerres alimentent la traite esclavagiste transsaharienne vers l'Égypte et la Tripolitaine. Plusieurs petits royaumes se développent au Ouara, chez les Moudang de Léré, chez les Saras, qui résistent à l'expansion de l'empire peul de Sokoto. À la fin du XIXe siècle, Rabah, un chef de guerre venu du Darfour, se taille un royaume dans la région tchadienne et ravage le Bornou et le Baguirmi, amenant ce dernier à se mettre sous la protection du colonisateur français en 1897[29].
Ces royaumes ont laissé leur empreinte à travers des autorités traditionnelles qui se superposent parfois aux autorités administratives contemporaines[30]. Les chefs traditionnels héréditaires portent généralement le titre de sultan dans le Nord musulman, de mbang ou gong dans le Sud animiste et chrétien ; l'autorité coutumière et religieuse du sultan s'étend sur plusieurs cantons, celle du simple chef sur un seul canton. Parfois contestés, selon les époques et les circonstances, ils peuvent être perçus comme de simples auxiliaires de l'administration ou des figures publiques importantes[31].
Colonisation
L'État du Tchad, dans ses frontières actuelles, est une création de la colonisation européenne, ses frontières résultant de négociations entre Français et Allemands dans les années 1880[32]. La domination française ne devient effective qu'à partir de 1897 quand trois colonnes venues d'Afrique du Nord et du Congo français se rejoignent dans la région tchadienne, battent Rabah qui est tué en 1900, puis soumettent le Ouaddaï en 1911. La confrérie musulmane de la Sanousiyya, puissance montante de la périphérie saharienne, est repoussée vers le désert en 1913[33]. Un Territoire Militaire des Pays et Protectorats du Tchad est créé en 1900[34]. En 1920, la France obtenant le contrôle total du territoire, érige le Tchad en colonie dans le cadre de l'Afrique-Équatoriale française (AEF)[35]. La particularité de la domination française au Tchad est caractérisée par une absence de politique d'unification du territoire, au sens administratif, et une modernisation relativement lente par rapport aux autres colonies françaises[35]. La France maintient les sultanats et crée de nouvelles chefferies pour encadrer la population dans la culture du coton qui est imposée aux populations du Sud, le travail forcé pour la construction des routes et la conscription pendant les deux guerres mondiales[33].
Sous l'impulsion du gouverneur Félix Éboué, le Tchad est une des premières colonies françaises à se rallier à la France libre en 1940 et forme l'embryon de l'Afrique française libre. La colonne Leclerc, partie du Tchad, traverse le désert pour combattre les troupes de l'Axe en Libye italienne[33],[36].
Période contemporaine
Les débuts de l'indépendance (1946 - 1979)
Après la Seconde Guerre mondiale, en 1946[37], la France accorde au Tchad le statut de territoire d'outre-mer et à ses habitants le droit d'élire deux représentants à l'Assemblée nationale, René Malbrant et Gabriel Lisette. Une assemblée locale tchadienne, appelée le Conseil représentatif et rassemblant trente membres élus par les Tchadiens, est également constituée la même année, en parallèle.
Le Tchad devient ensuite une république autonome en 1958. En 1960, elle fait partie de l'éphémère Union des républiques d'Afrique centrale puis accède à l'indépendance le [36]. François Tombalbaye, chef du PPT, devient le premier président. Deux ans plus tard, Tombalbaye interdit les partis d'opposition et instaure un système de parti unique. L'autocratie et une gestion froide et brutale exacerbent les tensions inter-ethniques[38]. Homme des territoires du sud, issu de l'ethnie Sara, François Tombalbaye doit bientôt faire face à la révolte de peuples du Nord, en majorité musulmans. En 1965, le Front de libération nationale du Tchad, déclenche des manifestations qui se transforment rapidement en guerre civile. Trois ans plus tard, en 1968, faute de calme revenu, le Président sollicite l'aide des troupes françaises mais l'opération Bison (1969-1972) ne peut venir à bout de la rébellion. Tombalbaye est renversé et tué en 1975 mais l'insurrection continue. Le pouvoir échoit au général Félix Malloum, qui doit pourtant rapidement céder sa place à Goukouni Oueddei à la suite de la première bataille de N'Djaména en 1979[39].
Régimes de Goukouni Oueddei et Hissène Habré (1979 - 1990)
En 1980, les factions rebelles dirigées par Hissène Habré prennent la capitale et l'État tchadien, ses services publics, l'armée, les administrations centrales, s'effondrent. Pourtant, la seconde bataille de N'Djaména permet à Goukouni Oueddei d'évincer son rival, Hissène Habré, avec l'aide décisive du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.
En , le Tchad et la Libye proclament leur fusion[40]. Celle-ci ne sera jamais effective, Goukouni Oueddei choisissant d'y renoncer sous la pression de la France et de États-Unis. Les troupes libyennes se retirent dans le cadre d'un accord conclu avec le gouvernement français. En juin 1982, Goukouni Oueddei est renversé à son tour par Hissène Habré, soutenu par les services de renseignement français et les mercenaires de Bob Denard[41].
Le nouveau président doit faire appel l'année suivante, en 1983, au soutien des forces françaises (opération Manta) pour l'aider à contenir une nouvelle invasion libyenne et la percée des rebelles de Goukouni Oueddei. En 1987, une contre-offensive des forces tchadiennes et françaises contraint finalement les troupes libyennes à évacuer le pays, à l'exception de la bande d'Aozou qui est restituée au Tchad seulement en 1994[42].
Dans le cadre de sa présidence, Habré crée une police politique, la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), responsable de milliers d'enlèvements et d'assassinats politiques. Les investigations internationales, qui permettront de poursuivre Hissène Habré pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture, permettront d'établir que son régime serait responsable de la mort de plus de 40 000 personnes[43]. Entre 1982 et 1985, les mouvements d'auto-défense créés dans le sud sont ainsi brutalement réprimés. Lors du mois de « septembre noir » de 1984, des villages entiers sont pillés et incendiés[44]. En 1987, une rébellion Hadjaraï est écrasée dans le sang. Hissène Habré n'en conserve pas moins le soutien de Paris jusqu'en 1990 jusqu'à ce qu'il soit renversé par Idriss Déby, l'un de ses généraux, le 1er décembre 1990, avec le soutien de la France. Hissène Habré se réfugie au Sénégal où il sera condamné à l'emprisonnement à perpétuité en 2016[45].
Présidence d'Idriss Déby (1990 - 2021)
Dès sa prise de pouvoir, Idriss Déby cherche à réconcilier les différents groupes rebelles et réintroduit le multipartisme au Tchad. Il fait adopter une nouvelle constitution par référendum et remporte en 1996 l'élection présidentielle.
En 2003, les recherches de gisements pétroliers permettent au Tchad de lancer les premières phases d'exploitation de son sous-sol, entraînant avec elles l'espoir que le Tchad puisse enfin connaître une phase d'essor économique et de développement humain[46].
Toutefois, alors que le président Déby fait modifier la constitution pour supprimer la limite de deux mandats présidentiels, une guerre civile éclate, contestant cette mainmise sur le pouvoir. Le président réussit à se maintenir au pouvoir et à être réélu, lors d'élections contestées boycottées par l'opposition. Entre 2006 et 2008, les forces d'opposition rebelles tentent plusieurs fois de prendre la capitale par la force, mais échouent systématiquement[47].
Le , des combats éclatent entre les troupes du président de la République et une faction de la rébellion, le Front uni pour le Changement (FUC), dans la périphérie de N'Djaména[48]. Idriss Déby Itno accuse le Soudan, en pleine guerre du Darfour, de soutenir ses adversaires, à l’aube des élections présidentielles[49]. Malgré l’opposition et les appels au boycott, le 3 mai 2006, Idriss Déby Itno est réélu au suffrage universel avec 64,67 % des votes exprimés[50]. Le , les rebelles, en provenance du Soudan frontalier, s’emparent de la capitale du Tchad, N'Djaména, à l'exception du palais présidentiel où le président Idriss Déby Itno semble s'être cloîtré[51]. La France décide d’évacuer une partie de ses ressortissants[52]. Le 4 février 2008, le Conseil de sécurité de l'ONU condamne les attaques contre le gouvernement tchadien[53], dont l’armée rencontre des difficultés à repousser les rebelles[54]. La France, via l’opération Épervier, apporte alors une aide logistique qui permet d’assurer la stabilité régionale au Tchad [55].
Mais les rebelles mènent une guerre de mouvement dans l’Est du Tchad, afin de faire tomber le gouvernement au pouvoir. Les attaques répétées ont pour conséquence de provoquer en juin 2008 un combat opposant pour la première fois la mission militaire européenne EUFOR et les rebelles au sud d’Abéché, autour de la ville de Goz Beïda[56]. En novembre 2008, dans l’Est du pays, deux véhicules militaires belges sont brûlés, à la suite de tirs provenant d’hélicoptères soudanais[57].
En a lieu une autre offensive de la rébellion partant du Soudan, toujours dans l'objectif de renverser Idriss Déby[58]. Le contingent militaire français de l'opération Épervier est suppléé, entre 2007 et 2009, par la force d'interposition EUFOR, forte de 3 000 soldats, mandatée par l'Union européenne à la demande de la France, en principe neutre mais qui assure un soutien de fait au régime du président Déby[59],[55].
Finalement, en 2010, le président soudanais Omar el-Bechir se rend au Tchad pour normaliser les relations entre les deux pays. Le gouvernement du Tchad refuse d’arrêter ce dernier, pourtant visé par des mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale émis à son encontre pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour[60].
Jusqu'en 2011, le Tchad alimentait un flux migratoire important vers la Libye : on estime qu'au moins 500 000 Tchadiens vivaient dans ce pays en 2006. Les échanges transsahariens assuraient une relative prospérité à des villes frontalières comme Abéché[61]. Cependant, depuis la première guerre civile libyenne en 2011, l'instabilité de ce pays rend ces échanges aléatoires ; la frontière entre la Libye et le Tchad est devenue une zone de non-droit dominée par les contrebandiers et les groupes armés[62].
Depuis 2015, l'armée tchadienne est engagée dans le conflit contre le groupe djihadiste Boko Haram, répandu dans le Nord du Nigeria et du Cameroun. En représailles, ce groupe a commis plusieurs attaques en territoire tchadien[63].
Depuis 2016, le Tchad est également confronté à un mouvement insurrectionnel dans le Nord du pays : plusieurs groupes armés d'exilés tchadiens ayant combattu dans la guerre civile libyenne reviennent en force dans leur pays d'origine[64].
Régime de transition de Mahamat Idriss Déby (depuis 2021)
Le , un Conseil militaire de Transition dirigé par Mahamat Idriss Déby Itno, alors général de l'armée tchadienne et fils du président Idriss Déby Itno, prend le pouvoir à la suite du décès de ce dernier, tué alors qu'il menait une contre offensive avec l'armée contre le FACT, un groupe armé libyen[65]. Cette prise du pouvoir ne respecte pas la Constitution de la république du Tchad, promulguée le 4 mai 2018, qui est alors suspendue par l'Armée, en même temps que l'Assemblée nationale est dissoute[65].
Au moment de prendre le pouvoir, l'armée promet que des élections libres et démocratiques seront organisées au Tchad sous dix-huit mois, après une période de transition et d'apaisement[66].